Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Just a Finger : Galerie Littéraire
Just a Finger : Galerie Littéraire
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Just a Finger : Galerie Littéraire
Newsletter
6 janvier 2021

Imprudente sans en avoir l'air

 

 

Les Impudents - « la vérité-fiction d’une inconnue »

C’est un « livre chrysalide », écrit Libération, « plein de surprises,
où, un demi-siècle plus tard le lecteur cherche Duras ». 
« Ce n’est pas elle, non », rassure Marianne Alphant. Mais soudain, au détour d’une phrase, 
dans « la grâce adorable de ses abandons », dans « la très belle laideur », il n’y a pas à se tromper, 
« la voici ». 
Pourquoi la critique parle-t-elle d’un livre chrysalide ?
D’abord parce que Duras accepte de faire sortir de l’obscurité ce livre oublié et renié, par la republication de 1992.
Ensuite, en revenant en 1943, ce livre est une étape intermédiaire dans le devenir écrivain de Duras.

En essayant de faire parler Marguerite Duras sur sa vie privée, sa maison du pays de Duras,
M. Alphant qui l’interviewe, se fait surprendre par une contre question venue de la part de Marguerite Duras : 
« Mais vous êtes là pour qu’on parle de ma vie ou pour qu’on parle du livre ? » Deux choses bien différentes : la vie et l’œuvre.
Cette question est plus que révélatrice. Duras veut qu’on fasse cette différence. 
Elle ne veut pas que sa vie privée soit confondue avec son écriture. 
« Pourtant, c’est très littéral, oui, Les Impudents », souligne Duras. 
« Sauf les noms. Les Pecresse, c’étaient les Bousquet, des voisins qui guignaient la propriété ».
Pourquoi a-t-elle raconté tout cela ?
Parce qu’elle croyait que c’était le lieu de sa vie qui resterait le plus terrible, le plus douloureux, nous dévoile M. Alphant. 
L’écriture de Duras vient de ces « terres énormes et vides ».

Un peu surprenant est le fait que Duras n’a aucun souvenir du moment où Plon fait paraître son livre.
Plon avait pris son livre, tandis que Gallimard l’avait refusé en attendant un deuxième.
« Aucun souvenir. Non. Rien. Partout j’étais seule », se lamente l’écrivain.
Dès la publication, l’écrivain n’est pas sûre de ce livre. Elle le désavouera ensuite, l’omettant volontairement de son œuvre jusqu’en 1992 où, grâce à l’insistance d’Isabelle Gallimard, qui renégocie les droits en vue d’un gros volume Biblos regroupant ses œuvres de jeunesse, elle consent à le remettre en circulation.
En mars 1963, dans Réalités, Duras confie que c’est sa première tentative de roman de bout en bout :
« C’était très mauvais mais, enfin, il était là ce roman. Je ne l’ai jamais relu.
Ce qui est écrit est fait. Je ne relis jamais.
Personne n’avait voulu de mon roman. Chez Denoël, on m’a dit : 
“ Vous avez beau faire, vous ne serez jamais un écrivain ”. »

MargueriteDuras Les impudents1

D’ailleurs, Duras rejette ce livre dès 1956 quand, dans le journal Demain, elle confie à André Calas :
‘« Je suis née en Indochine où j’ai vécu mon enfance et mon adolescence à Saigon. A 17 ans, je suis venue en France pour faire une licence de mathématiques. Et puis, j’ai écrit. Mon premier livre, Les Impudents, était très mauvais. Mes vrais débuts datent de 1945 où j’ai publié La Vie tranquille. » 
Pourquoi Les Impudents ? 
Il est significatif que le titre des deux premiers romans signale une opposition entre « une façon impudente »
d’être et un idéal de « vie tranquille », note Yvonne Guers-Villate.
Les Impudents semble référer à la manière dont les personnages cèdent à leurs désirs.
Le mot « impudence » y est employé dans le sens de « naturel, d’instinctif et d’authentique.»
Le manque de fausse honte des protagonistes, leur comportement à l’encontre de la moralité conventionnelle contraste avec leur milieu bourgeois, il est le surgissement spontané du désir.
Cette « impudence » rend toute vie « tranquille » et donc tout bonheur inaccessible : 
« Ils vivaient dans le désordre et leurs passions donnaient aux événements les plus ordinaires
un tour à part, tragique et qui vous enlevait toujours davantage l’espoir de posséder jamais le bonheur. »

Et pourtant, en 1992, Duras confie à Marianne Alphant 
que ce qui l’ « épate » dans son tout premier roman, c’est qu’il n’y a pas une faute de syntaxe.
« Les verbes sont bien traités. Je ne savais pas que je pouvais écrire comme ça », avoue-t-elle.

Les impudents Film

Un jour, raconte Duras, elle gardait les vaches, « le plus beau souvenir de son enfance ».
Le train est arrivé sans siffler. Il a tué une vache, la Brune.
Elle parle dans son livre de cette peur, de cette vache. 
« J’ai encore dans la tête ses cris.
J’ai un souvenir très violent de l’innocence des vaches, de la solitude de cet endroit.
Ce sont de grands souvenirs parce que c’était avec la mort que j’étais une jeune vache,
une jeune fille, qui n’a pas cessé d’appeler.
C’est ça que ça veut dire, l’écriture ». 

Theses.univ-lyon2.fr, Les Impudents - « la vérité-fiction d’une inconnue »

MargueriteDuras Les impudents 

...
Mais son visage était pâle et meurtri par l'ennui.
Lorsqu'elle se retourna vers la chambre et qu'elle ferma la fenêtre le bruissement de la vallée 
cessa brusquement comme si elle avait fermé les vannes d'une rivière.

Marguerite Duras, Les impudents (incipit)

marguerite-duras-pardaillan

Lol, frappée d’immobilité, avait regardé s’avancer, comme lui,
cette grâce abandonnée, ployante, d’oiseau mort.
Elle était maigre.
Elle devait l’avoir toujours été.
Elle avait vêtu cette maigreur, se rappelait clairement Tatiana,
d’une robe noire à double fourreau de tulle également noir, très décolletée.

Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein

Marguerite Duras - Le ravissement - 1964 

Je lui dis de venir, qu’il doit recommencer à me prendre.
Il vient.
Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel,
à force sa peau a pris l’odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie,
celle de l’or, il est désirable.
Je lui dis ce désir de lui.

dvd-o-amante-jane-march-novo-e-lacrado Marguerite Duras

Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère.
Je ne sais pas pourquoi je l'aimais à ce point là de vouloir mourir de sa mort.
J'étais séparée de lui depuis dix ans quand c'est arrivé et je ne pensais que rarement à lui.
Je l'aimais, semblait-il, pour toujours et rien de nouveau ne pouvait arriver à cet amour.
J'avais oublié la mort.

[...]

La passion reste en suspens dans le monde,
prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle.

Marguerite Duras, L'Amant  

Marguerite-Duras-au-Vietnam

Vous devriez ne pas la connaître, l'avoir trouvée partout à la fois,
dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film,
en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre,
où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
Vous pourriez l'avoir payée.
Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c'était cher.
Et puis elle demande : Vous voulez quoi ?
Vous dites que vous voulez essayer, tenter la chose, tenter connaître ça,
vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins, à ce parfum, à la beauté,
à ce danger de mise au monde d'enfants que représente ce corps,
à cette forme imberbe sans accidents musculaires ni de force,
à ce visage, à cette peau nue, à cette coïncidence entre cette peau et la vie qu'elle recouvre.
Vous lui dites que vous voulez essayer, essayer plusieurs jours peut-être.
Peut-être plusieurs semaines.
Peut-être même pendant toute votre vie.
Elle demande : Essayer quoi ?
Vous dites D'aimer.

the-lover-book-cover-today

C'est un orgasme noir.
Sans toucher réciproque.
Ni visage.
Les yeux fermés.
Ta voix, seule.

Marguerite Duras, Le Navire Night

MargueriteDuras smokingChair 

Elle avait aimé démesurément la vie et c'était son espérance infatigable,
incurable, qui en avait fait ce qu'elle était devenue,
une désespérée de l'espoir même.
Cet espoir l'avait usée, détruite, nudifiée à ce point, que son sommeil qui l'en reposait,
même la mort, semblait-il, ne pouvait plus le dépasser.

Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique

Anmeldelse Gensyn med Duras' mystiske Lol V  

L’impudence du texte de Duras : sa porno-graphie

Qui mieux que Marguerite Duras, cette impudente, fit de son écriture une érotique, fit de l’érotisme un écrit ?

Porno…

Ce qui nous impressionne d’entrée de jeu dans son œuvre littéraire, c’est à quel point son texte sans vergogne
relève de ce que nous nommons à la suite de Lacan « la responsabilité sexuelle ». 

Trouville

Il ne s’agit pas ici d’une exacerbation de l’impossibilité,
mais de l’infatigable pérégrination du désir et de ses irruptions de jouissance. Sans relâche, l’écriture nous fait traverser vents et marées, frôlant les nuits, parcourant les plages de Normandie, nous revoici soudain pris dans la valse douloureuse des bals de Calcutta.
Elle, lui, la femme, l’homme, moi, vous, la folle, l’enfant, la pute :
voilà les personnages de ces dérives. De rives en rives, de bord en bord, celles-ci mettent (dis)continuellement en scène une lente, tenace et exténuante fornication.
Chaque œuvre semble être une séquence d’un même film. Ce qui change entre une séquence et l’autre, c’est l’objectif, la lumière ou l’angle de la prise de vue. Le marin de Gilbraltar (1950) et Emily L. (1987) éternisent, à trente-sept ans de distance, cette recherche obstinée au travers des mers, les mers toujours recommencées du désir.

Voici comment la femme du Marin de Gilbraltar parle de sa rencontre avec le marin qu’elle se met à poursuivre inlassablement
sur les mers du monde, conjuguant pour toujours l’événement et la répétition :
« C’est depuis qu’elle s’est produite que je crois dans les choses possibles de le rencontrer encore,
de rencontrer n’importe qui, n’importe quand.
Et que je crois aussi que je me dois à sa recherche, comme d’autres à…
– À qui ?
– Je ne sais pas dit-elle.
– Ça je ne le sais pas […] . » 

On se doit à cette recherche : ne pas céder sur le désir

Marguerite Duras, 1914-1996, n’a pas cédé.
Elle est l’auteur de près de quatre-vingt-dix romans, pièces de théâtre, chroniques, interviews ;
cinéaste, elle a dirigé dix-huit films mettant en scène, dans ses scènes à elle, les plus prestigieux acteurs des années 1960-1980.
Elle publia son premier roman en 1943 : Les impudents,
et pendant un demi-siècle elle ne s’est plus arrêtée :
têtue, insolente, impertinente, imprudente (horripilante, soupirent certains !).

The-young-Marguerite-Duras 

… graphie 

Il est notable que son texte ne se propose pas comme un métalangage
qui essaierait de dire l’amour comme impossible, bien qu’urgent et irrésistible. L’écriture elle-même est thème et sujet de cette littérature :
bien qu’inaccessible, elle est elle-même irrémédiable comme destin.

Le titre de son avant-dernier livre, en 1993, Écrire, ponctue définitivement cette œuvre qui s’est risquée jusqu’à l’obscène
pour tenter de dire la chose en soi de la jouissance, celle qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.

L’auteur elle-même s’entremet dans les récits pour témoigner, tout au long des textes et des films,
de la lutte qu’elle trame, tout autant que ses personnages, pour que le vertige de l’impossible
produise quand même des vestiges, empreintes de l’affect et de l’effet conséquent.

L’écriture et l’amour sont l’un et l’autre responsables pour que
« ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire » laisse des traces « de l’impudence du dire ». 

[…]  

La distance irrémédiable qui sépare les êtres – « il n’y a pas de rapport sexuel » –
pousse à l’urgence de l’érotisme ; voilà la nouveauté de la fiction/leçon de Duras l’impertinente :
« L’homme et la femme sont irréconciliables et c’est cette tentative impossible et à chaque amour renouvelée qui en fait sa grandeur »,
conclut Duras dans son livre La vie matérielle.

Dominique Fingermann, La responsabilité sexuelle de Marguerite Duras : un texte sans vergogne

她一生风流成性,70岁写出《情人》,她的故事比小说还传奇- 每日头条

Je te rencontre.
Je me souviens de toi.
Cette ville était faite à la taille de l'amour.
Tu étais fait à la taille de mon corps même.
Qui es-tu ?
Tu me tues.
J'avais faim.
Faim d'infidélités, d'adultères, de mensonges et de mourir.
Depuis toujours.
Je me doutais bien qu'un jour tu me tomberais dessus.
Je t'attendais dans une impatience sans borne, calme.
Dévore-moi.
Déforme-moi à ton image afin qu'aucun autre, après toi, ne comprenne plus du tout le pourquoi de tant de désir.
Nous allons rester seuls, mon amour.
La nuit ne va pas finir.
Le jour ne se lèvera plus sur personne.
Jamais. Jamais plus. Enfin.
Tu me tues. Tu me fais du bien.
Nous pleurerons le jour défunt avec conscience et bonne volonté.
Nous n'aurons plus rien d'autre à faire, plus rien que pleurer le jour défunt.
Du temps passera. Du temps seulement. Et du temps va venir. Du temps viendra.
Où nous ne saurons plus du tout nommer ce qui nous unira.
Le nom s'en effacera peu à peu de notre mémoire.
Puis, il disparaîtra tout à fait.

Marguerite Duras, Hiroshima Mon Amour

MargueriteDuras phrase

La douleur 
c'est tout détruire, l'Amour et la Vie matérielle
dit-elle

©   Justinius Digitus, J’ai vécu le réel comme un mythe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MarguetiteDuras Young 

 C'est une merveille d'ignorer l'avenir.
Des journées dans les arbres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité