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Just a Finger : Galerie Littéraire
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Just a Finger : Galerie Littéraire
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29 octobre 2020

De l'Art du Dissensus

 

 

En somme, monde intérieur, monde extérieur, ce sont des expressions impropres,
il n'y a pas de véritables frontières pourtant entre ces deux mondes ;
il y a une impulsion première, évidemment, qui vient de nous, et lorsqu'elle ne peut s'extérioriser, lorsqu'elle ne peut se réaliser objectivement, lorsqu'il n'y a pas un accord total entre moi du dedans et moi du dehors, c'est la catastrophe,
la contradiction universelle, la cassure.

Eugène Ionesco, Tueur sans gages

iceblack Black and white, Dutch artists, Installation art

 

Le dissensus comme contrat social dans l’art de Ken Lum

Thereisnoplacelikehome

L’art que Ken Lum pratique depuis plus de trente ans obéit à des motivations sociales et naît du personnel comme de l’empirique. Membre phare de l’école de Vancouver, artiste et commissaire de renommée mondiale et directeur du programme de premier cycle de l’École d’art et de design de l’Université de Pennsylvanie, Lum expose le paradigme théâtral de la représentation politique de l’art au public. Jacques Rancière définit ce type d’engagement à l'égard du social comme « la politique de l’esthétique », selon une hypothèse fondée sur « l’égalité de n’importe quel être parlant avec n’importe quel autre être parlant ».

Nombre d’œuvres de Lum, y compris des commandes étrangères comme l’installation permanente
There is no place like home (2000), 
un mur de textes et de photos qui se dresse à Vienne, composent avec l’idée selon laquelle le degré de confort d’un immigrant est dicté par sa nationalité et sa classe sociale. Lum aborde avec dissensus les luttes du demos (peuple) qui cherche à prendre la parole contre l’encagement et l’exclusion. L’artiste prévient, à l’instar de Rancière, que l’utopie désigne « tantôt la folle rêverie entraînant la catastrophe totalitaire, tantôt, à l’inverse, l’ouverture infinie du possible qui résiste à toutes lesclôtures totalisantes ». Voilà qui trouve un écho dans une œuvre commandée à l’artiste à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de 2010, Monument for East Vancouver, une croix composée de deux mots, East et Van, en diodes électroluminescentes blanches. L’œuvre, érigée sur MONUMENT FOR EAST VAN BY KEN LUMune base en béton, fait vingt mètres de hauteur. Lum explique : « [East Van] véhicule l’identité de ceux qui vivent dans l’est de la ville, et est souvent suivi du [verbe] « règne » (rules). [Voilà qui] est ironique, car traditionnellement, ce sont ceux qui habitent l’ouest de la ville qui détiennent le pouvoir économique et politique, bien que le boom immobilier ait assoupli la frontière entre l’est et l’ouest. Cette œuvre est l’amplification monumentale d’un geste de défi et de protestation, d’une affirmation identitaire d’arrière-garde. » Ironie du sort, ce symbole de graffiti, qui d’après Lum a circulé dans la ville pendant des décennies, est commémoré sous forme d’art. Or l’art est l’apanage de l’élite. Alors que le dissensus comme régime tente d’accéder au pouvoir, le logos (la parole) du demos (les pauvres) peut être admis dans la culture de l’élite. Gregory Sholotte s’est intéressé à la façon dont « un certain type d’activisme culturel peut être conçu comme un processus » d’appropriation des archives et de préservation d’une mémoire courant le risque d’être éliminée. Comme le soutient Claire Bishop, « il ne s’agit pas de réconcilier l’art et le social sous peine de les voir s’écrouler, mais de maintenir entre eux une tension continuelle ». Cela dit, la pratique de Lum fusionne bel et bien l’art et le social. La vitalité de ses approches traduit une vigilance de longue date à l’endroit du mondial et la nécessité pour l’art d’entrer dans le social comme forme de dissensus.

Alexandria Pierce [Traduit de l’anglais par Isabelle Lamarre]

Ken Lum, Bindy Sangeet Employee of the Month Alia Naffouj

Comment mieux éclairer la pensée de Jacques Rancière
sinon en l’interrogeant à partir de ses propres montages théoriques ?

La patience est le maître-mot pour entrer dans la pensée d’un autre.

L’exercice requiert à la fois l’assiduité à la lecture – lorsque la pensée est écrite – et la lente découverte des écarts entre cette pensée et la nôtre, d’autant que les présuppositions de celui qu’on essaye de comprendre peuvent faire obstacle. Le travail des commentateurs est souvent celui qui nous permet de continuer à lever le voile. Mais le philosophe Jacques Rancière est de ceux qui se sont le mieux exercés à contribuer eux-mêmes à l’éclaircissement rétrospectif de leurs travaux.

fighting animals national geographic open mouth wolves


Dissensus et subjectivation

La théorie de la subjectivation et du dissensus constituent une autre pierre d’achoppement dans la lecture de Rancière, bien mise en lumière par les questions de Jdey. En lien avec ce qui précède, on peut affirmer que le dissensus est l’écart entre deux mises en scène sensibles. Le dissensus n’est pas le simple jeu d’opposition entre des idées ou des programmes. Il ne se contente pas de témoigner du fait que des gens exclus se soulèvent contre des dominants. Si tel était le cas, ce concept n’ajouterait pas grand-chose aux théories courantes de la politique.

Wolf Ademeit

 

Le dissensus, lâche Rancière dans cet ouvrage, est le fait de créer un monde sensible différent dans le monde sensible existant. Il dessine la situation qui se reproduit chaque fois que se réalise la manifestation d’un sujet extérieur aux formes de consultation officielles. Le dissensus prend la forme d’une présence sensible, en public, qui n’a pas le même sens pour ceux qui la créent et ceux auxquels elle s’adresse. Bref, par ce terme, il ne s’agit pas de dire que ce sont des idées qui affrontent des idées. Il ne s’agit pas simplement du scandale qui rompt un consensus : il s’agit de mises en scène – encore – différentes de la présence des sujets collectifs, antagoniques quant au sens même de cette présence.

Christian Ruby, La scène politique n’est pas une scène de théâtre

 

Black and White Fine Art Wildlife Photography1

  

La notion de péché est en complet désaccord avec la rose des vents.
Jean Giono, Ennemonde

 

LolaDupre Collage

- Donc tu l'as quittée ?
- Souvent il y eut dissensus
- Oui, dix c'est beaucoup !

©   Justinius Digitus, En travers de la gorge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ranciere on Derrida on Dissensus

Le moment où la réalité de la vie est en désaccord avec ses espérances.
Honoré de Balzac, Illusions perdues

 

 

 

 

 

 

 

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